Conférence : le processus d'indépendance catalan vu depuis le nord

Jeudi 20 septembre dernier, la Casa de la Generalitat à Perpignan et le Comité de Solidarité Catalane organisaient une conférence sur le thème « le processus catalan vu depuis le nord ». Y participaient trois élus nord-catalans. Annabelle Brunet est conseillère départementale, et adjointe au maire de Perpignan, chargée des relations avec l'université. Nicolas Garcia est vice-président du Conseil Départemental, et secrétaire du parti communiste. Jean-Paul Billès est maire de Pézilla-la-Rivière, et il est l'un des élus à l'origine du manifeste pour la liberté des prisonniers politiques. La mairie de Pézilla acueille l'exposition photographique de Roser Vilallonga «un peuple, un pays, une volonté» jusqu'au 28 septembre.

Cette conférence coïncidait avec l'anniversaire des évènements qui ont eu lieu l'an passé en Catalogne : perquisitions et arrestations dans les ministères, police qui prétendait entrer dans le siège de la CUP sans mandat. Ces jours-là, nous avons aussi pu voir comme on violait certaines libertés individuelles afférentes à la liberté d'expression, comme une aussi ancienne qu'est le secret des correspondances, ou les attaques répétées envers Internet : censure et blocage de sites web, confiscations de noms de domaines en .cat, détention de Pep Masoliver, directeur du département d'information et systèmes de la fondation puntCat, actions durement critiquées par l'Internet Society (ISOC).

Annabelle Brunet nous répond qu'elle n'est pas en train d'observer le processus catalan, elle dit que nous sommes en train de le vivre en Catalogne Nord, dans la mesure où ce peuple est aussi le nôtre. Il a rapidement été possible d'émettre à Perpignan une motion de censure municipale, bien que moins ambitieuse que le manifeste à l'initiative de Jean-Paul Billès, qui a finalement été signé à Perpignan le 31 août dernier. S'agissant de la capitale de la Catalogne Nord, c'est d'une grande importance vis-à-vis des élus du sud. La rencontre de maires à Prats de Molló a été un moment fort. Il y a des gens qui se sentent concernés et qui ont envie d'avancer. En revanche, elle constate que chez beaucoup de maires, subsiste encore une certaine méconnaissance du sujet. En ce qui concerne les médias, beaucoup ne veulent pas investiguer, et ils écoutent leurs correspondants. L'adjointe au maire considère qu'il est impossible de se taire une fois qu'on a compris la situation. Plus tard, en répondant à des questions, Annabelle Brunet, qui est avocate, nous explique que le collège d'avocats de Perpignan, qui a des liens avec le collège d'avocats de Catalogne, a rechigné à voter des motions en faveur des prisonniers politiques, ce qui démontre le degré de méconnaissance qui subsiste, et le travail qui reste à faire.

Nicolas Garcia commence en affimant que tout ce qui a été gagné a pu l'être grâce à la militance. D'un point de vue démocratique, la situation est très grave. L'entrée de la Garde Civile dans les ministères lui semble très préoccupante. S'agissant de la mobilisation en Catalogne Nord, il pense en même temps qu'elle a été très importante, dans la mesure où nous avons vu se manifester beaucoup de gens au-delà des cercles militants habituels, et que beaucoup d'actions importantes ont pu être menées à bien, mais aussi qu'elle a été faible, si l'on pense que la France devrait revendiquer avec clarté les lilbertés démocratiques, qui sont l'affaire de tous. L'indépendance de la Catalogne sera décidée par les Catalans, en vertu du droit à l'autodétermination, mais l'aspect démocratique est universl. Les procès politiques, quand ils arriveront aux instances européennes, feront jurisprudence démocratique pour toute l'Europe. Si nous laissions faire, qui sait ce qu'il pourrait advenir ? Qui empêchera les gouvernements d'interdire des manifestations ? Tout cela, en définitive, est affaire de démocratie. Pour Nicolas Garcia, le mouvement vers l'indépendance est irréversible, il en est convaincu en observant l'histoire de l'Espagne et de la Catalogne ces derniers siècles, et la croissance de la volonté indépendantiste depuis 2010. Aujourd'hui, malgré des conditions difficiles, le gouvernement catalan peut gérer politique n'importe quelle situation, restant dans la situation actuelle, évoluant vers le fédéralisme, ou mettant en œuvre l'indépendance. Il peut s'adresser à sa population pour savoir ce qu'elle veut.

Jean-Paul Billès nous rappelle qu'avant le 1er octobre 2017, le conseil municipal de Pézilla a fait une photo avec une pancarte qui disait que « les urnes ne mordent pas » (les urnes no mosseguen). Son action est en faveur de la liberté d'expression, et du respect du vote des électeurs. Il met en exergue la gravité des faits du 20 septembre 2017, qui est la réponse d'un État brutal qui a surpris tout le monde. Jean-Paul Billès, comme beaucoup de maires de petites communes, n'appartient à aucun parti politique parce que, selon lui, il ne se sent pas la force de partager toutes les idées d'un parti. Les liens qu'il a avec le sud ne datent pas d'hier, mais plutôt de la fin de la dictature franquiste, quand il a réalisé qu'il était du côté des peuples réprimés. L'espace européen a des valeurs démocratiques, qui supposent qu'il faut garantir la liberté d'expression des individus. En Catalogne, il y a 700 maires poursuivis, alors que la République Française se fonde sur des valeurs et des libertés fondamentales et démocratiques. De là vient le manifeste pour la liberté d'expression, mais aussi liberté de réunion, d'opinion, des syndicats et d'association, d'abord signé par 12 maires puis par 100. Ce sont surtout des « petits maires », mais Jean-Marc Pujol, maire de Perpignan, l'a également signé, ce qui lui donne une autre dimension. Le nord remercie le sud pour sa dignité et son civisme, qui sont un exemple pour l'Europe. Il pense également que la question de l'indépendance appartient aux Catalans du sud, en vertu du droit à l'autodétermination. Le premier problème est la démocratie. Il cite une phrase de Victor Hugo : « Il n'y a rien de plus puissant qu'une idée dont le temps est venu », qui donne la mesure de ce qu'il pense de la situation catalane. Il dit qu'il faut défendre la séparation des pouvoirs et les minorités et que, pour le moment, la France ne veut pas voir la gravité de la situation.